Terre Lune, effets de perspective (semaine 48)

Le 28 novembre 2022, treize jours après avoir quitté la Terre et alors qu’elle se trouve à la distance exacte de 432 210 km de la surface de notre planète, la capsule américaine Orion transmet cette image symbolique. Prise au-dessus de la face cachée de la Lune, avec une caméra fixée sur l’un des panneaux solaires du vaisseau de la mission Artemis 1, l’image profite de ce que la capsule se trouve dans l’alignement de la Terre et de son satellite pour nous rappeler quelques évidences.
La première est la beauté de la scène. Du vaisseau inhabité, bleu comme son monde d’origine, la troisième planète du Système solaire révèle ses océans, son atmosphère et, on l’imagine, des terres dissimulées sous les nuages. Eclairée de côté par le Soleil, se cache dans la nuit une partie de la boule bleue.
La seconde est son unicité. Par contraste avec la vue du sol de la Lune, son satellite naturel dont la surface est stérile, grêlée de cratères d’impacts, et dépourvue d’atmosphère, la Terre est bien le seul havre possible dans cet environnement hostile. Alentour, tout est sombre, périlleux, menaçant. Alors qu’à la surface de ce monde d’eau, d’air et de lumière, se trouvent nos familles, nos amis, notre restaurant préféré ainsi que les plages, montagnes et forêts qui nous enchantent. Les astronautes d’Apollo, de retour de mission, racontaient tous combien cette vue leur semblait apaisante, rassurante et sans égale dans le ciel noir.
La troisième est son extrême fragilité. De « là-haut », aucune frontière n’est visible, aucun conflit de territoire ne se devine, et la présence du vivant qui a modelé la planète bleue n’est point affaire d’espèces et d’individus. Bactéries, plantes, animaux et humains, tous sont dispersés sur une mince couche biologique, recouvrant l’intégralité de ce monde… unique.
L’interdépendance est évidente ; le destin commun. Cinq siècles après les voyageurs de la Renaissance partis cartographier les terra incognita du Nouveau Monde un engin automatique, précurseur du retour de l’espèce humaine à la surface de la Lune, nous rappelle à notre condition essentielle : préserver notre vaisseau terrestre. Sous peine de n’être qu’une aventure sans lendemain dans l’immensité de l’Univers.

Alain Cirou