10 questions posées à nos auteurs pour mieux apprécier leur travail
Bienvenue dans cette nouvelle rubrique "10 questions à..."
L'équipe de Galleryastro
Ce mois-ci nous vous donnons rendez-vous avec
Maxime Oudoux
rencontre avec son auteur
Retrouvez le making-of de cette photo en vidéo
(cliquez ici si la vidéo ne s'affiche pas)
Ce timelapse de la prise de vue de cette photo montre la technique et le temps nécessaire pour faire l'image.
Il s'agit de l'une des seules photos où je me suis photographié en train de prendre une image de paysage nocturne.
On y voit l'ISS qui passe dans le ciel.
1- Raconte-nous la genèse de cette photo, ses conditions de prise de vue
Un endroit magnifique de jour, mais il l’est encore plus la nuit !
2- Pour cette photo en particulier, quelles difficultés as-tu rencontrées ?
3- En quoi cette photo est représentative de ton travail?
« Les Narcisses de l’Aubrac » représente une vision de la photo nocturne qui me correspond.
D’abord, c’est une recherche de l’originalité, dans le sens de diversité de projet photo. Mes images ont un sujet et une ambiance différentes les unes des autres et j’évite de tomber dans une production photo où elles utilisent la même composition avec des sujets similaires. Cette photo ne ressemble pas aux autres que j’ai pu produire.
Ensuite, d’obtenir un dialogue entre le paysage terrestre et le paysage céleste, pour les faire correspondre au mieux entre les couleurs, les formes, les sources de lumière. Il y a énormément de richesse dans l’environnement nocturne de ce côté, grâce à la sensibilité des appareils photos !
Ici, ce que j’aime dans cette image, c’est la correspondance entre les narcisses, nettes, blanches, formant comme des petites étoiles, répondre aux véritables astres dans le ciel, qui sont colorés, mais flous et bien plus distants. Ce n’est pas le ciel qui est la « star » de la photo, mais bien le sol.
Enfin, c’est d’avoir toujours une petite prise de risque à la fois sur le projet lui-même (des prises de vues parfois complexes), la capture et le traitement. Certaines images étaient vraiment dépendantes de la météo (passage de l’ISS, éclipse de lune), d’autres m’ont obligé à apprendre un logiciel d’astrophotographie de ciel profond et travailler pendant plus de 40h pour obtenir le résultat désiré, ou d’autres encore étaient les premières réalisations d’essais matériel personnel.
J’expérimente beaucoup par moi-même, avec des succès, et aussi parfois des échecs, mais je renonce rarement, les personnes qui me connaissent le savent bien.
4- Y a-t-il un message général derrière ton travail ?
Les images réalisées sont un moyen d’expression et de partage autour de ma propre sensibilité sur l’environnement et le ciel nocturne. C’est un univers très contemplatif, calme et secret, qui invite à s’évader, à rêver. La nuit souffre encore d’une image plutôt mauvaise (insécurité, mystères…) alors qu’elle renferme énormément de subtilité et de richesse. J’essaye de retranscrire cette quiétude dans mes images, pour la partager au plus grand nombre, et faire (un peu) rêver les personnes qui regardent mes photos.
Parallèlement à cela, je sensibilise le grand public aux problématiques liées à la pollution lumineuse (pour la biodiversité, pour l’observation du ciel) car beaucoup de mes images ont cette pollution visible à l’horizon.
5- Plus généralement, quelle est la photo dont tu es le plus fier ?
Je n’ai pas forcément d’image dont je suis le plus fier, elles ont toutes une petite histoire, une petite anecdote ou une particularité qui la rend différentes des autres. Je m’efforce de proposer des photos à chaque fois un peu différentes pour explorer les possibilités techniques et esthétiques que nous offre la discipline, dans cet environnement si particulier qui est la nuit.
6- Une photo d'un autre auteur que tu aurais aimé faire ?
Pas nécessairement une photo en particulier non ; lorsque j’ai commencé à sérieusement m’intéresser au paysage nocturne en 2014/2015, j’ai été beaucoup intéressé par le travail de Mickael Schainblum et Mikko Largerstedt, 2 photographes aux styles différents, mais dans lequel je trouve de l’émotion et de l’équilibre entre une simplicité apparente et une technique de prise de vue et de traitement. Un style que j’ai retrouvé par la suite dans d’autres images d’autres photographes qui m’ont inspiré, comme Laurent Laveder en France, et qui m’ont donné envie de faire moi-même des images nocturnes.
7- Qu'est-ce que la photo astro pour toi ? Que représente-elle ?
La photo astro pour moi, c’est d’abord le moyen de fusionner mes 2 plus grandes passions, l’astronomie et la photographie, afin de pouvoir m’évader de notre quotidien, dans notre société où le climat anxiogène et les différentes crises remettent en cause notre mode de vie et de pensée. Lorsque je me retrouve dans cet environnement calme, serein, feutré, on a l’impression de faire partie d’un tout. De la nature qui nous entoure et qui s’offre à nous, ainsi que de l’immensité du ciel qui nous incite à nous remettre à notre place, sur notre petite planète.
C’est aussi le moyen de voir des scènes discrètes ou peu courantes, comme des événements astronomiques ou astronautique (levers ou éclipse de Lune en pleine nuit, passages de l’ISS), des levers ou coucher de constellations, ou contempler notre galaxie la Voie Lactée, dans des endroits magnifiques et préservés de la pollution lumineuse.
C’est enfin le moyen de partager ces expériences uniques au grand public, qui ne doit pas être beaucoup témoin du spectacle qu’offre une nuit étoilée dans nos campagnes, nos littoraux et nos montagnes, notamment à cause de la pollution lumineuse.
8- Quel avenir souhaites-tu ou vois-tu pour la photo astro dans les 10 prochaines années ?
La photo astro (paysage nocturne, ciel profond) progresse énormément depuis quelques années et attire de plus en plus de monde. C’est un résultat de l’amélioration de la performance du matériel, de leur accès de plus en plus facile (utilisation et coûts), de la multiplication des images et des tutoriels grâce aux réseaux sociaux et plus globalement du regain d’intérêt du grand public envers l’espace.
L’avenir de la discipline est plutôt complexe à prévoir, avec différents scenarii tout à fait plausibles.
Les réseaux sociaux tendent à normaliser l’ensemble de la production des images dans le monde, avec des compositions type ou des techniques similaires, ce qui fait que beaucoup d’images se ressemblent. La recherche d’originalité et de prise de risque est délaissée au profit d’images « sensationnalistes » qui vont marcher à coup sûr sur les réseaux, au risque de voir parfois des images truquées. Ces images finissent par tromper le grand public (et les photographes débutants), et ces derniers crient au génie, juste parce que l’image est (faussement) belle et extraordinaire, sans être décrite par l’auteur comme étant une image composite* ou une illustration.
Cette dérive met d’ailleurs en péril la pratique et par la même occasion le travail des photographes qui en font leurs métiers, et respectent une éthique photographique.
Aujourd’hui, beaucoup de photographes pensent que pour avoir une belle image de paysage nocturne, il faut avoir nécessairement un ciel tracké (avec une monture de suivi) et avoir des nébuleuses en émissions (avec du Halpha rouge saturé) pour en jeter plein la vue, que c’est un objectif ultime de qualité et de rendu.
Cette vision est assez réductrice sur la discipline, qui offre énormément de possibilités créatives en termes de techniques, et les concours internationaux reconnus comme celui de l’observatoire Royal de Greenwich ou le Photo Nightscape Awards le montrent bien, ainsi que les images présentes sur Gallery Astro. Bien sûr, il n’est pas du tout interdit d’ajouter des nébuleuses dans les images – j’en ai déjà fait, voir « Le Lever d’Orion » sur Gallery Astro - , mais il faut que cela se fasse en bonne intelligence, avec transparence dans les explications, ainsi qu'un traitement équilibré et maitrisé, tout simplement.
L’amélioration des capteurs embarqués dans les smartphones haut de gamme permettent désormais de prendre des photos de la Voie Lactée avec une qualité d’image similaire aux reflex d’il y a 10 ans, ce qui pose des questions sur la généralisation de la pratique photo et de la capture du ciel, par de plus en plus de monde, dans de plus en plus d’occasions.
Peut-être que dans 5 ans, photographier la Voie Lactée au smartphone sera courant, et les images du ciel nocturnes banales, puisque produites par millions et visibles sur les réseaux ou le supposé successeur (le Metavers), au risque de perdre un peu de leur magie ? Nous verrons bien.
9- Ta prochaine cible ?
Au moment où nous effectuons cette interview, je travaille sur l’un de mes plus gros projets : OURANOS. Il s’agit d’une immense mosaïque de la Voie Lactée, le long de son plan galactique, en très haute définition. Les photos (sur environ 1950 champs de 5° de côté) ont été prises en 6 mois à l’observatoire de St Véran en janvier et juillet 2022, ainsi qu’au Chili en février et mars 2022.
C’est un projet qui me tient particulièrement à cœur, puisqu’il utilise la technique du panoramique, que j’affectionne beaucoup. C’est une idée qui a commencé à germer dans mon esprit en 2018, et qui a été en pause notamment à cause de la pandémie, après avoir commencé à faires des prises de vues (une première version est disponible sur mon site internet à l'adresse https://maximeoudouxphotographie.fr/ouranos135-la-voie-lactee-en-haute-definition/).
Ce projet aura plusieurs objectifs, l’un d’entre eux étant de pouvoir proposer une immense image de notre galaxie en couleurs réelles sur un site internet dédié, où les internautes pourront venir facilement observer les étoiles, les nébuleuses et les galaxies dans ce champ à 360° de plusieurs milliards de pixels. Des fonctionnalités de navigation et une expérience originale sont prévues.
A côté, il y a toujours des idées de prises de vues nocturnes ici ou là à réaliser. Mais le temps me manque pour faire tout ce que je veux, car des idées, il y en a beaucoup !
10- Enfin, quand tu ne fais pas de photo, à quoi passes-tu ton temps de loisir ?
Mon activité professionnelle de photographe indépendant est très chronophage, puisqu’en plus de la partie astro (paysages nocturnes, cours en ligne, autres projets plus ou moins gros…), le plus gros du travail en termes de temps concerne la photo de mariage du mois d’avril au mois d’octobre. Sans oublier toute la myriade de petites choses à faire lorsque l’on est indépendant !
Lorsque je trouve du temps libre, je continue à faire de l’astrophoto pour des essais personnels, de l’observation visuelle, ou alors je joue aux jeux vidéo (grosses licences comme petits jeux indés), de la musique aussi (sur synthétiseurs analogiques et numériques), ou encore l’informatique, le cinéma et les séries.
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