Au premier regard, notre œil est immédiatement attiré par cette tache bleue et très brillante qui occupe le centre de l’image. Puis par ce nuage sombre qui s’étend comme un drap de satin noir étalé au milieu d’une multitude d’étoiles. Leur nombre est incroyable tant la définition de la photographie est impressionnante. Mais revenons à cette tache bleue. En son centre, deux points lumineux se chevauchent. Deux « bébés étoiles » en train de naître !
Nous regardons vers une petite constellation de la Voie lactée, dans l’hémisphère sud, celle du Loup (Lupus), entourée de celles du Scorpion, de la Balance et du Centaure. Relativement discrète, elle est connue pour avoir attirée l’attention des observateurs en l’an 1006 quand y apparu une supernova dont l’éclat, supérieur à celui de Vénus, la rendit visible en plein jour. L’étoile visible sur la tapisserie de Bayeux, pourtant postérieure de 60 ans, pourrait être le rappel de ce phénomène spectaculaire et célébrer ainsi la conquête de l’Angleterre par Guillaume de Normandie. Mais ce que nous regardons-là, à environ 500 années-lumière de distance n’est pas la mort et la fin de vie d’un astre, mais au contraire sa naissance. L’émergence de deux futurs astres – des proto étoiles – au cœur d’un sombre nuage de gaz et de poussières qui reflète l’événement comme le ferait un néon de couleur. Les deux futures étoiles se nomment HR 5999 et HR 6000. Elles se sont formées il y a moins d’un million d’années comme des boules de gaz dans la nébuleuse sombre Lupus 3, et malgré leur luminosité, elles ne sont pas encore alimentées par un processus de fusion nucléaire, comme notre Soleil. C’est par l’effet de la gravité, qui comprime et réchauffe la matière interne, qu’elles éclairent en bleu la nébuleuse environnante. Et c’est par réflexion de cette chaleur intense qu’une des régions le plus fertiles en naissance d’étoiles attire l’attention des spécialistes de la formation stellaire. En effet, la scène est immense – elle s’étend sur une zone de ciel équivalente à 24 pleine Lune – et rassemble au sein d’un complexe de neuf nuages massifs de véritables poussinières d’étoiles. C’est dans un endroit semblable que notre étoile, le Soleil, naquit avec ses compagnes de berceau il y a 4,6 milliards d’années. Les vents stellaires, qui dissipent peu à peu les nébuleuses, qui furent les langes de ces nouvelles étoiles, comme les radiations intenses qui colorient ces creusets nucléaires, sont rendus visibles par des observations dans l’infrarouge proche. Cette image a été réalisée par le télescope de 4 mètres Víctor M. Blanco installé sur la montagne du Cerro Tololo au Chili, à l’aide avec la caméra à énergie noire de 570 mégapixels du département américain de l’Énergie. Avec un champ de vision de 2,2 degrés, cet instrument peut capturer des objets massifs comme Lupus 3 en une seule image. Un conseil : téléchargez cette image, agrandissez-là, et perdez-vous dans cet océan d’étoiles. Un voyage extraordinaire !

Alain Cirou