10 questions à Camille Niel (archive)

10 questions posées à nos auteurs pour mieux apprécier leur travail

Suis Sommes Nous Une Ga

Bienvenue dans cette nouvelle rubrique "10 questions à..." 

A l'occasion de la rentrée 2022, l'Association Française d'astronomie a souhaité créer un lien encore plus fort avec la communauté des astrophotographes. Dans cette optique, nous vous invitons tous les mois à un décryptage d'une photo caractéristique du travail de l'un de nos auteurs suivi d'une rencontre avec ce dernier pour découvrir ou redécouvrir son travail.
Ceci afin de valoriser le travail des astrophotographes et d'offrir à leurs visiteurs un nouveau regard sur la photo et l'ouvrir ainsi au plus grand nombre. Un regard sur la photo plus orienté artistique et personnel que technique. A l'image de ce que nous faisons sur le terrain avec nos animations ou formations, en remettant ainsi l'astronomie et la découverte du ciel au centre de notre pratique d'éducation populaire. Et pourquoi pas, donner envie. Créer l'envie. 
Nous espérons que ces quelques lignes pourront vous apporter un nouvel éclairage sur leur travail qui mérite d'être mis en avant.
C'est ce que nous efforçons de faire en tous cas
Bonne lecture !

L'équipe de Galleryastro

Ce mois-ci nous vous donnons rendez-vous avec
Camille Niel

Camille Niel 2lq

Seul au monde,
rencontre avec son auteur

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1- Raconte-nous la genèse de cette photo, ses conditions de prise de vue

6 mois auparavant, un ami a posté sur les réseaux sociaux une photo de ce pont romain pendant une rando estivale. Je l’ai tout suite enregistré dans ma très longue liste de spots à photographier. Je comptais attendre l’été suivant pour réaliser quelque chose dans ce coin.
Mais cet hiver-là, heureux possesseur d’un tout nouveau boitier défiltré (pour la faire très courte et très vulgaire, ça me permet de capture les nébuleuses très présentes dans la région d’Orion par exemple), j’ai voulu marquer le coup ! Et comme j’adore la neige, autant aller jouer dedans.
J’ai donc eu cette idée folle de me rendre sur ce lieu que je n’avais jamais vu. Pour ce faire, et bien il a fallu en baver. Je suis monté en ski de rando avec tout le matériel photo et de bivouac sur le dos : pas loin de 18kg… C’était très dur, les 700m de dénivelés pour atteindre les 2600m d’altitude m’ont mis KO au sommet pendant quelques heures !
Le soir venu je me suis donc rendu sur ce pont, à 10min en contrebas du refuge non gardé, et je me suis mis au travail.

2- Pour cette photo en particulier, quelles difficultés as-tu rencontrées ?

Le froid, le froid, et… le froid !!! Je crois que j’en n’ai jamais autant bavé de ma vie. Je n’avais pas de quoi mesurer la température, mais mon équipement habituel n’était pas suffisant, et il y avait une toute petite bise qui me glaçait le visage.
Travailler avec de la neige jusqu’aux genoux ce n’est pas évident, tout demande un gros effort, encore plus à 2600m où l’on peut ressentir le manque d’oxygène. L’avantage c’est que cet effort réchauffe un peu, mais dès que j’étais statique, je refroidissait en 2min. Sans parler du fait qu’il faut penser en amont à ne pas laisser de traces dans la neige dans la direction où l’on va shooter.
Sinon j’ai eu beaucoup de mal à faire le point. Il faisait tellement froid que j’avais beaucoup de mal à tourner mes bagues de mise au point sur mes optiques, encore plus quand je dois enlever les gros gants, en 10s je sentais plus mes doigts …
Ce froid ne m’a pas non plus inquiété plus que ça. Ce n’était pas agréable et j’ai fais au plus vite, mais je savais que remonter dans le noir en ski ça me réchaufferai et surtout que j’allait me mettre au chaud dans un duvet adapté à ces températures.

3- En quoi cette photo est représentative de ton travail?

C’est un peu l’accomplissement de quelque chose. Au-delà de la photo, j’aime vivre une aventure et vivre quelque chose d’unique. Et me demandez pas pourquoi, mais j’aime bien en baver pour arriver à résultat qui se mérite. Pour cette photo en particulier, mais valable dans le milieu montagnard également, il y a dépassement de soi dont j’ai besoin. Ca passe par beaucoup d’émotions : des doutes, des peurs, de la joie, de la tristesse … mais au finale on ressort toujours un peu plus fort de ce genre d’expérience.
Bon là, j’avais vraiment mis la barre haut pour une première hivernale …

4- Y a-t-il un message général derrière ton travail ?

A titre perso, je pense qu’on a pas rien sans rien. Dans mon travail, j’ai besoin d’aller plus loin physiquement et mentalement. Même si on peut aller faire des photos en groupe, y aller seul c’est une toute autre affaire. Il faut déjà se motiver pour sortir dans le noir, parfois dans le froid, et puiser au fond de soi pour aller au bout de son idée.
Ce n’est pas donné à tout le monde de monter en plein hiver tout seul à 2600m c’est sûr, par contre tout le monde est capable de choses bien plus grandes qu’ils ne le pensent. Il suffit juste d’arrêter de rêvasser, ne plus réfléchir et oser se lancer ! Ce qui est valable dans la vie en général.

5- Plus généralement, quelle est la photo dont tu es le plus fier ?

Incontestablement, celle du Mont Saint Michel sous la voie lactée. Je ne parle pas du buzz que cela a suscité, j’étais agréablement surpris et c’était génial. Mais avant que la photo ne soit publiée, j’étais déjà fier d’avoir pu accomplir un tel projet.
Ca a commencé par idée infaisable solo, trouver les gens prêt à m’aider et m’accompagner dans cette idée folle, et jusqu’à la réalisation.
Il y a cet accomplissement personnel dont je suis ultra fier, mais aussi une aventure humaine exceptionnelle avec de belles rencontres.
C’est depuis cette photo d’ailleurs que je me dis que j’ai envie d’arrêter de faire de la photo seul dans mon coin et de réfléchir à monter des projets en équipe comme celui-là.

6- Une photo d'un autre auteur que tu aurais aimé faire ?

Là comme ça, je ne vois pas, mais ça m’est sûrement déjà arrivé. Dans la vie j’essaye d’aller vers là où les autres ne vont pas. J’essaye donc d’en faire de même en photo. J’espère juste qu’on fera pas avant moi les idées que j’ai déjà en tête !

7- Qu'est-ce que la photo astro pour toi ? Que représente-elle ?

Au départ la photo était un moyen pour voyager. Puis l’astrophoto est arrivé et je me suis spécialisé là-dedans. Ca reste un moyen d’expression artistique mais aussi une excuse pour vivre mes petites aventures. Sans appareil, je ne vivrais pas ce que je vis. J’ai trouvé une discipline qui me plait, qui m’aide à me dépasser physiquement et mentalement. Je me sens parfois comme un intru car l’astronomie n’est pas mon point fort, j’ai des connaissances très basique comparé a d’autres collègues astrophotographes, mais c’est aussi ce qui est chouette dans la photo, n’importe quel profil peut avoir sa place dans n’importe quelle discipline.

8- Quel avenir souhaites-tu ou vois-tu pour la photo astro dans les 10 prochaines années ?

Ce que je vois, c’est que ça se démocratise de plus en plus. Le matériel évolue, et l’astrophoto devient facilement accessible à tous et même à petit budget. Lors de mes stages, je vois des débutant réaliser sans problème une belle photo même avec un boitier bas de gamme.
Et puis évidemment, les smartphones ! C’est fou de se dire qu’aujourd’hui on peut photographier la voie lactée avec son téléphone. Je suis curieux de voir comment cela va évoluer.
A part ça, je suis assez mauvais visionnaire, mais ne serai pas surpris quant à une croissance de cette pratique.

 9- Ta prochaine cible ?

J’en ai plusieurs en tête, mais une en particulier une pour 2023, d’un autre monument français bien connu. Je n’en dis pas plus … !
J’aimerai bien également faire un voyage astrophoto à l’étranger. C’est en cours de préparation doucement, j’espère qu’il aura lieu.

10- Enfin, quand tu ne fais pas de photo, à quoi passes-tu ton temps de loisir ?  

Ah, enfin une question intéressante !
Habitant au pied des montagnes, l’hiver c’est ski de rando, et l’été rando pédestres. Je n’en fais pas tout les jours non plus mais quand je m’ennuie et que j’ai besoin de m’évader, ça me fait un bien fou.
Et puis… évidemment, manger ! Je suis un très bon vivant, j’aime cuisiner et bien manger. Et si en plus c’est pour partager avec les amis/famille c’est encore mieux.
Enfin, j’adore la cueillette et l’avantage en Savoie, c’est qu’il y a de quoi faire presque toute l’année : au printemps l’ail des ours, les morilles… l’été le génépi, les myrtilles, les fruits rouges, les champignons…. l’automne les champignons encore, les châtaignes …

Je transforme tout ça, et j’ai de quoi me régaler tout l’hiver ! La vie quoi …