10 questions posées à nos auteurs pour mieux apprécier leur travail
Bienvenue dans cette nouvelle rubrique "10 questions à..."
A l'occasion de la rentrée 2022, l'Association Française d'astronomie a souhaité créer un lien encore plus fort avec la communauté des astrophotographes. Dans cette optique, nous vous invitons tous les mois à un décryptage d'une photo caractéristique du travail de l'un de nos auteurs suivi d'une rencontre avec ce dernier pour découvrir ou redécouvrir son travail.
Ceci afin de valoriser le travail des astrophotographes et d'offrir à leurs visiteurs un nouveau regard sur la photo et l'ouvrir ainsi au plus grand nombre. Un regard sur la photo plus orienté artistique et personnel que technique. A l'image de ce que nous faisons sur le terrain avec nos animations ou formations, en remettant ainsi l'astronomie et la découverte du ciel au centre de notre pratique d'éducation populaire. Et pourquoi pas, donner envie. Créer l'envie.
Nous espérons que ces quelques lignes pourront vous apporter un nouvel éclairage sur leur travail qui mérite d'être mis en avant.
C'est ce que nous efforçons de faire en tous cas
Bonne lecture !
L'équipe de Galleryastro
Ce mois-ci nous vous donnons rendez-vous avec
Sabine Gloaguen
Le ponton sous les étoiles
rencontre avec son auteur
1- Raconte-nous la genèse de cette photo, ses conditions de prises de vue
Cette image a été réalisée lors d'un séjour au Pic du Midi au mois de janvier 2023 au cours d'un tournage pour une émission qui sera diffusée sur ARTE.
J'ai pu bénéficier de deux nuits sur place afin de maximiser les chances de pouvoir observer le ciel étoilé à partir de ce haut lieu de l'astronomie en France, au sens propre comme au figuré. En effet, en astronomie rien n'est jamais gagné d'avance et il suffit que les nuages s'invitent pour qu'un projet soit compromis… Mais la chance sourit aux audacieux et j'ai pu profiter d'un ciel magnifique !
Le tournage occupait la plupart du temps mais, une fois terminé, je restais dehors jusqu'au petit matin pour profiter au maximum de ce site exceptionnel.
2- Pour cette photo en particulier, quelles difficultés as-tu rencontrées ?
Les difficultés furent nombreuses lors de ce séjour mais je garderai longtemps le souvenir des morsures du froid. Le thermomètre descendait à -25°C la nuit et les rafales de vent à 60-70km/h créaient un ressenti avoisinant les -40°C. Jamais je n'ai vécu de conditions aussi difficiles, même lors de mes expériences au-delà du Cercle Polaire. Le matériel était lui aussi soumis à rude épreuve et j'ai dû gérer quelques dysfonctionnements passagers à cause des basses températures.
Il m'a fallu également composer avec les bourrasques qui pouvaient ruiner les acquisitions. Dans ces conditions dantesques, j'ai tout fait pour ne pas avoir à refaire les prises de vue. D'ailleurs, j'étais bien accrochée à la rambarde pour rester immobile les 15 secondes nécessaires à la photographie, des secondes qui paraissaient parfois des minutes.
Je suis ensuite revenue près de mon trépied pour réaliser les autres images nécessaires à la réalisation du panorama, faisant le dos rond pour essuyer les rafales de vent et les projections de glace qui se décrochaient du maillage de la structure.
3- En quoi cette photo est représentative de ton travail?
Cette photo reflète mon travail car, bien qu'appréciant beaucoup l'imagerie du ciel profond, mes résultats les plus populaires sont obtenus en photo de paysages nocturnes. La touche personnelle conférée par les choix de composition y est plus présente.
4- Y a-t-il un message général derrière ton travail ?
Passionnée par la nature, j'apporte beaucoup d'importance au respect de l'environnement. Je n'ai aucune prétention en termes d'exemplarité même si j'essaye de limiter au mieux mon impact carbone mais j'essaye de relayer des messages qui me semblent importants via la photographie.
Bien sûr, la pollution lumineuse et ses conséquences me tient tout particulièrement à cœur. C'est d'ailleurs aussi pour cela que j'ai choisi cette image d'illustration. En effet, nous sommes alors en janvier 2023 - en pleine période de restriction concernant les dépenses énergétiques - et dans une RICE (Réserve Internationale de Ciel Etoilé) depuis 2013, or je vois face à moi de nombreuses villes qui n'éteignent toujours pas l'éclairage la nuit. La Voie Lactée aurait été incroyablement plus détaillée sans cette pollution liée à l'activité humaine. Il faut avoir en tête que 30% des personnes dans le monde (80% des gens aux Etats-Unis et dans les milieux très développés) ne peuvent plus distinguer la Voie Lactée ! Et je ne parle même pas de l'impact de cette pollution sur la santé humaine et la perte de biodiversité associée.
Toujours dans le domaine de la pollution du ciel, je ne peux pas ne pas aborder la saturation de l'orbite basse des megaconstellations de satellites, soit des dizaines/centaines de milliers d'engins et leurs débris spatiaux. Au-delà de ma pratique, c'est l'Astronomie en général et le travail des scientifiques qui se trouve déjà perturbé…
Sous nos yeux disparaît un patrimoine de l'humanité, le rapport plusieurs fois millénaire entre l'Homme et les étoiles ne sera bientôt plus qu'un souvenir.
5- Plus généralement, quelle est la photo dont tu es le plus fier ?
Peut-être "Eagle reflection" réalisée au H.E.S.S. en Namibie car elle a permis d'illustrer des publications scientifiques et a donné lieu à des échanges passionnants. Les conditions de prise de vues étaient aussi particulières car il ne fallait générer aucune source de lumière au risque de parasiter les données des chercheurs.
Mais je pense aussi à une photo d'aurore boréale "Lights over the sea" primée aux PNA (Photo Nightscape Awards) en 2016, j'étais la première femme à intégrer les lauréats dans un milieu qui reste très/trop masculin. J'espère davantage de parité à l'avenir et il ne faut pas avoir de complexes : le tout est de se faire plaisir et si son propre travail plaît aux autres, c'est du bonus !
6- Une photo d'un autre auteur que tu aurais aimé faire ?
Je n'ai pas d'image précise en tête mais j'aime en général le travail de Petr Horálek surtout ses montages d'éclipse solaires, évènement auquel je n'ai jamais eu l'occasion d'assister. J'apprécie aussi le travail de Yuri Beletsky. En écrivant ces lignes, je me rends compte que je suis sensible au sens photogénique associé et à une solide base scientifique. Je ne peux pas ne pas citer mon compagnon, Bastien Foucher, dont j'adore la photo de la constellation d'Orion sélectionnée à Astrophotographer of the Year. Son travail est pour moi une source d'inspiration au quotidien et son regard critique est bien souvent mis à contribution.
7- Qu'est-ce que la photo astro pour toi ? Que représente-elle ?
C'est de la technique mise au service d'une certaine forme d'art. En ciel profond, nous visons les mêmes cibles mais chacun produira un résultat différent selon ses moyens, ses goûts, sa technique propre. L'astrophoto est une source d'inspiration infinie et également une bonne opportunité pour toujours progresser. Et plus on progresse dans ce domaine, plus on constate l'étendue des connaissances qui restent à acquérir. C'est une activité qui rend humble car on se rend vite compte que l'on est insignifiant par rapport aux ordres de grandeur des objets que l'on image, il nous est même très difficile intellectuellement de nous les représenter.
C'est une activité et qui demande aussi du courage car généralement il faut composer avec le froid, la fatigue, les problèmes techniques... Je trouve parfois troublant de constater le grand écart entre des conditions de prise de vues difficiles et un résultat qui ne montre "que" la beauté du moment.
8- Quel avenir souhaites-tu ou vois-tu pour la photo astro dans les 10 prochaines années ?
Le matériel a beaucoup évolué ces dernières années et a permis aux astronomes amateurs de réaliser des clichés toujours plus extraordinaires. J'avoue constater parfois un décalage entre mon éthique de photographe et certaines images qui font le tour des médias ou sont récompensées dans de prestigieux concours : le non-respect de l'intégrité des lieux, l'utilisation de focales différentes entre le ciel et le paysage… C'est un sujet qui mériterait un article à part entière et qui fait régulièrement débat sur les réseaux sociaux. J'espère que la course au buzz d'une minorité ne dénaturera pas trop le domaine de la photo astro.
9- Ta prochaine cible ?
Bonne question. J'avoue accuser tellement de retard dans mes traitements d'images que je vais me concentrer sur les images déjà acquises !
10- Enfin, quand tu ne fais pas de photo, à quoi passes-tu ton temps de loisir ?
Ayant la chance d'habiter un endroit rural, je suis dès que possible au contact de la nature et essaye de photographier la faune et flore sauvages en essayant toujours de la déranger le moins possible… Une règle de conduite valable de jour comme de nuit !
Cette image a été réalisée lors d'un séjour au Pic du Midi au mois de janvier 2023 au cours d'un tournage pour une émission qui sera diffusée sur ARTE.
J'ai pu bénéficier de deux nuits sur place afin de maximiser les chances de pouvoir observer le ciel étoilé à partir de ce haut lieu de l'astronomie en France, au sens propre comme au figuré. En effet, en astronomie rien n'est jamais gagné d'avance et il suffit que les nuages s'invitent pour qu'un projet soit compromis… Mais la chance sourit aux audacieux et j'ai pu profiter d'un ciel magnifique !
Le tournage occupait la plupart du temps mais, une fois terminé, je restais dehors jusqu'au petit matin pour profiter au maximum de ce site exceptionnel.
2- Pour cette photo en particulier, quelles difficultés as-tu rencontrées ?
Les difficultés furent nombreuses lors de ce séjour mais je garderai longtemps le souvenir des morsures du froid. Le thermomètre descendait à -25°C la nuit et les rafales de vent à 60-70km/h créaient un ressenti avoisinant les -40°C. Jamais je n'ai vécu de conditions aussi difficiles, même lors de mes expériences au-delà du Cercle Polaire. Le matériel était lui aussi soumis à rude épreuve et j'ai dû gérer quelques dysfonctionnements passagers à cause des basses températures.
Il m'a fallu également composer avec les bourrasques qui pouvaient ruiner les acquisitions. Dans ces conditions dantesques, j'ai tout fait pour ne pas avoir à refaire les prises de vue. D'ailleurs, j'étais bien accrochée à la rambarde pour rester immobile les 15 secondes nécessaires à la photographie, des secondes qui paraissaient parfois des minutes.
Je suis ensuite revenue près de mon trépied pour réaliser les autres images nécessaires à la réalisation du panorama, faisant le dos rond pour essuyer les rafales de vent et les projections de glace qui se décrochaient du maillage de la structure.
3- En quoi cette photo est représentative de ton travail?
Cette photo reflète mon travail car, bien qu'appréciant beaucoup l'imagerie du ciel profond, mes résultats les plus populaires sont obtenus en photo de paysages nocturnes. La touche personnelle conférée par les choix de composition y est plus présente.
4- Y a-t-il un message général derrière ton travail ?
Passionnée par la nature, j'apporte beaucoup d'importance au respect de l'environnement. Je n'ai aucune prétention en termes d'exemplarité même si j'essaye de limiter au mieux mon impact carbone mais j'essaye de relayer des messages qui me semblent importants via la photographie.
Bien sûr, la pollution lumineuse et ses conséquences me tient tout particulièrement à cœur. C'est d'ailleurs aussi pour cela que j'ai choisi cette image d'illustration. En effet, nous sommes alors en janvier 2023 - en pleine période de restriction concernant les dépenses énergétiques - et dans une RICE (Réserve Internationale de Ciel Etoilé) depuis 2013, or je vois face à moi de nombreuses villes qui n'éteignent toujours pas l'éclairage la nuit. La Voie Lactée aurait été incroyablement plus détaillée sans cette pollution liée à l'activité humaine. Il faut avoir en tête que 30% des personnes dans le monde (80% des gens aux Etats-Unis et dans les milieux très développés) ne peuvent plus distinguer la Voie Lactée ! Et je ne parle même pas de l'impact de cette pollution sur la santé humaine et la perte de biodiversité associée.
Toujours dans le domaine de la pollution du ciel, je ne peux pas ne pas aborder la saturation de l'orbite basse des megaconstellations de satellites, soit des dizaines/centaines de milliers d'engins et leurs débris spatiaux. Au-delà de ma pratique, c'est l'Astronomie en général et le travail des scientifiques qui se trouve déjà perturbé…
Sous nos yeux disparaît un patrimoine de l'humanité, le rapport plusieurs fois millénaire entre l'Homme et les étoiles ne sera bientôt plus qu'un souvenir.
5- Plus généralement, quelle est la photo dont tu es le plus fier ?
Peut-être "Eagle reflection" réalisée au H.E.S.S. en Namibie car elle a permis d'illustrer des publications scientifiques et a donné lieu à des échanges passionnants. Les conditions de prise de vues étaient aussi particulières car il ne fallait générer aucune source de lumière au risque de parasiter les données des chercheurs.
Mais je pense aussi à une photo d'aurore boréale "Lights over the sea" primée aux PNA (Photo Nightscape Awards) en 2016, j'étais la première femme à intégrer les lauréats dans un milieu qui reste très/trop masculin. J'espère davantage de parité à l'avenir et il ne faut pas avoir de complexes : le tout est de se faire plaisir et si son propre travail plaît aux autres, c'est du bonus !
6- Une photo d'un autre auteur que tu aurais aimé faire ?
Je n'ai pas d'image précise en tête mais j'aime en général le travail de Petr Horálek surtout ses montages d'éclipse solaires, évènement auquel je n'ai jamais eu l'occasion d'assister. J'apprécie aussi le travail de Yuri Beletsky. En écrivant ces lignes, je me rends compte que je suis sensible au sens photogénique associé et à une solide base scientifique. Je ne peux pas ne pas citer mon compagnon, Bastien Foucher, dont j'adore la photo de la constellation d'Orion sélectionnée à Astrophotographer of the Year. Son travail est pour moi une source d'inspiration au quotidien et son regard critique est bien souvent mis à contribution.
7- Qu'est-ce que la photo astro pour toi ? Que représente-elle ?
C'est de la technique mise au service d'une certaine forme d'art. En ciel profond, nous visons les mêmes cibles mais chacun produira un résultat différent selon ses moyens, ses goûts, sa technique propre. L'astrophoto est une source d'inspiration infinie et également une bonne opportunité pour toujours progresser. Et plus on progresse dans ce domaine, plus on constate l'étendue des connaissances qui restent à acquérir. C'est une activité qui rend humble car on se rend vite compte que l'on est insignifiant par rapport aux ordres de grandeur des objets que l'on image, il nous est même très difficile intellectuellement de nous les représenter.
C'est une activité et qui demande aussi du courage car généralement il faut composer avec le froid, la fatigue, les problèmes techniques... Je trouve parfois troublant de constater le grand écart entre des conditions de prise de vues difficiles et un résultat qui ne montre "que" la beauté du moment.
8- Quel avenir souhaites-tu ou vois-tu pour la photo astro dans les 10 prochaines années ?
Le matériel a beaucoup évolué ces dernières années et a permis aux astronomes amateurs de réaliser des clichés toujours plus extraordinaires. J'avoue constater parfois un décalage entre mon éthique de photographe et certaines images qui font le tour des médias ou sont récompensées dans de prestigieux concours : le non-respect de l'intégrité des lieux, l'utilisation de focales différentes entre le ciel et le paysage… C'est un sujet qui mériterait un article à part entière et qui fait régulièrement débat sur les réseaux sociaux. J'espère que la course au buzz d'une minorité ne dénaturera pas trop le domaine de la photo astro.
9- Ta prochaine cible ?
Bonne question. J'avoue accuser tellement de retard dans mes traitements d'images que je vais me concentrer sur les images déjà acquises !
10- Enfin, quand tu ne fais pas de photo, à quoi passes-tu ton temps de loisir ?
Ayant la chance d'habiter un endroit rural, je suis dès que possible au contact de la nature et essaye de photographier la faune et flore sauvages en essayant toujours de la déranger le moins possible… Une règle de conduite valable de jour comme de nuit !
Retrouvez-ici tous nos décryptages mensuels :
- septembre 2022 : Jean-François Gely et son image "Gardien des étoiles"
- octobre 2022 : Maxime Oudoux et son image "Narcisses au lac des moines"
- novembre 2022 : Camille Niel et son image "Seul au monde"
- décembre 2022 : Thomas Appéré et son image "Lever de Soleil sur les reliefs martiens"
- janvier 2023 : Rémi Leblanc-Messager et son image "Passerelle céleste"
- février 2023 : Mickael Coulon et son image "Lune au dessus des terrils de Loos en Gohelle"
- mars 2023 : Thomas Thomopoulos et son image "L'ombre de Ganymède"
- avril 2023 : Alain Paillou et son image "Lune Gibbeuse"
- mai 2023 : Marian Malaquin et son image "The night ship"
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juin 2023 : Florian Legrand et son image "Karikaté by night"