10 questions à Thomas Thomopoulos (archive)

10 questions posées à nos auteurs pour mieux apprécier leur travail

Suis Sommes Nous Une Ga

Bienvenue dans cette nouvelle rubrique "10 questions à..." 

A l'occasion de la rentrée 2022, l'Association Française d'astronomie a souhaité créer un lien encore plus fort avec la communauté des astrophotographes. Dans cette optique, nous vous invitons tous les mois à un décryptage d'une photo caractéristique du travail de l'un de nos auteurs suivi d'une rencontre avec ce dernier pour découvrir ou redécouvrir son travail.
Ceci afin de valoriser le travail des astrophotographes et d'offrir à leurs visiteurs un nouveau regard sur la photo et l'ouvrir ainsi au plus grand nombre. Un regard sur la photo plus orienté artistique et personnel que technique. A l'image de ce que nous faisons sur le terrain avec nos animations ou formations, en remettant ainsi l'astronomie et la découverte du ciel au centre de notre pratique d'éducation populaire. Et pourquoi pas, donner envie. Créer l'envie. 
Nous espérons que ces quelques lignes pourront vous apporter un nouvel éclairage sur leur travail qui mérite d'être mis en avant.
C'est ce que nous efforçons de faire en tous cas
Bonne lecture !

L'équipe de Galleryastro

Ce mois-ci nous vous donnons rendez-vous avec
Thomas Thomopoulos

Thomas Thomopoulos Photo

L'ombre de Ganymède
rencontre avec son auteur

DA-Thomopoulos-l_ombre_de_Ganymede

1- Raconte-nous la genèse de cette photo, ses conditions de traitement

Initialement, je me suis lancé dans le traitement d’images spatiales pour coloriser les images en noir et blanc. Puis, je me suis rendu compte que les couleurs ont un sens dans l’espace. Pour les images prises par la sonde Juno, le traitement est assez délicat. Au début, je faisais des choses très artistiques. Cette image de Jupiter avec l’ombre de Ganymède est un tournant pour moi, car elle fut amplement diffusée. Lorsque j’ai vu l’image brute pour la première fois, j’ai pensé qu’une fois traitée, elle pourrait faire une très belle image, avec un résultat attirant pour l’œil.

2- Pour cette photo en particulier, quelles difficultés as-tu rencontrées ?

Le fait d’obtenir un agrandissement satisfaisant de l’image tout en essayant de rehausser les couleurs et contrastes, tout en préservant une qualité acceptable n’a pas été simple. L’ombre de Ganymède a aussi nécessité un traitement particulier au niveau des couleurs.

3- En quoi cette photo est représentative de ton travail?

Pour les images prises par la sonde Juno, je me suis attaché à faire ressortir les couleurs de Jupiter dans le spectre visible. Elle montre assez bien, la volonté de rehausser les couleurs et de mettre en scène l’image sans que ce ne soit trop artistique. L’agrandissement de l’image est aussi représentatif de ce que je fais, car malheureusement, on a souvent des images de faible résolution. A la base, la caméra embarquée à bord de la sonde Juno permet d’obtenir une image de 1600 x 1200 pixels. Avec les logiciels actuels, on peut augmenter la résolution, tout en essayant de préserver la qualité. 

4- Y a-t-il un message général derrière ton travail ?

Je souhaite apporter une touche féérique dans un univers qui peut paraitre froid et austère, tout en essayant de garder un caractère scientifique. Je veux être à la fois artiste et scientifique dans l’image sans être catégorisé. J’ai la hantise d’essayer de montrer de belles choses tout en gardant un côté réaliste, dans un univers qui pourtant peut ne pas l’être. Avec l’intelligence artificielle, on risque d’être de plus en plus confronter au faux qui nous fait croire que c’est vrai. Paradoxalement, nous devrons sans doute avoir recours à l’intelligence artificielle pour savoir si l’image est fausse ou vraie.

5- Plus généralement, quelle est la photo dont tu es le plus fier ?

Pas facile de répondre à cette question. A la réflexion, je pense qu’il s’agit de l’image d’Europa prise par la sonde Juno. C’est une lune très particulière qui recèle des interrogations. J’espère cette fois avoir pu obtenir un résultat intéressant. Je remercie Gerald Eichstädt qui effectue un travail formidable sur les images prises par la sonde Juno. Le traitement scientifique qu’il a réalisé en amont m’a permis d’obtenir une très belle image artistique, les 2 aspects étant complémentaires.

6- Une photo d'un autre auteur que tu aurais aimé faire ?

Sans conteste, l’image qui m’a fait rêver ces dernières années est « Les piliers de la création » : elle mêle tout à la fois la réalité et le côté magique de notre Univers. C’est sans doute pour cette dimension énigmatique, que l’on a une image Hubble puis, des années plus tard, une image JWST. Cette nébuleuse intrigue, laissant le sentiment que derrière la science, se cache toujours un Univers mystérieux. Je ne pense pas qu’il y ait un équivalent. Enfant, j’ai découvert les images de Mars prises par Viking Lander. Elles ont également une résonance particulière pour moi car ce sont les premières images de Mars au sol.

7- Qu'est-ce que le traitement d'images pour toi ? Que représente-il ?

La possibilité d’explorer un Univers que l’on découvre au fur et à mesure. La sonde Juno par exemple fournit de belles images qui permettent de faire encore des découvertes. Sur Terre, j’ai le sentiment que l’explorateur a disparu. Les images des institutions spatiales permettent de découvrir et d’explorer des endroits que l’on n’a pas encore vus. Des endroits inconnus. Découvrir et pouvoir donner une image à l’inconnu est une très belle chose.

8- Quel avenir souhaites-tu ou vois-tu pour l'image spatiale dans les 10 prochaines années ?

On aura certainement des révolutions. L’intelligence artificielle va prendre de l’ampleur et pourrait être un potentiel dangereux concurrent. Je crains pour l’humain, que l’on soit obsolète ou que l’on ait un rôle moins actif dans le traitement image. Les avancées peuvent être extraordinaires. Améliorer la qualité d’une image, l’agrandir, peut-être même parvenir à coloriser fidèlement en planétaire ce que l’on avait en noir et blanc. J’essaye parfois de simuler les couleurs d’une image noir et blanc d’une planète, d’une lune, car malheureusement, il n’y a parfois pour une image, que du noir et blanc. C’est peut-être naïf, mais je suis attaché au spectre visible.

 9- Ta prochaine cible ?

Je ne sais pas. J’espère qu’avec les prochaines missions spatiales nous aurons la possibilité de traiter de belles images, de faire ressortir des détails, des choses que l’on ne voit pas.

10- Enfin, quand tu ne fais pas de photo, à quoi passes-tu ton temps de loisir ?  

J’adore les livres anciens, les photos anciennes et l’informatique. Je m’intéresse aussi à la génération d’images par intelligence artificielle. Encore de l’image !