10 questions à Alain Paillou (archive)

10 questions posées à nos auteurs pour mieux apprécier leur travail

Bienvenue dans cette nouvelle rubrique "10 questions à..."

A l'occasion de la rentrée 2022, l'Association Française d'astronomie a souhaité créer un lien encore plus fort avec la communauté des astrophotographes. Dans cette optique, nous vous invitons tous les mois à un décryptage d'une photo caractéristique du travail de l'un de nos auteurs suivi d'une rencontre avec ce dernier pour découvrir ou redécouvrir son travail.

Ceci afin de valoriser le travail des astrophotographes et d'offrir à leurs visiteurs un nouveau regard sur la photo et l'ouvrir ainsi au plus grand nombre. Un regard sur la photo plus orienté artistique et personnel que technique. A l'image de ce que nous faisons sur le terrain avec nos animations ou formations, en remettant ainsi l'astronomie et la découverte du ciel au centre de notre pratique d'éducation populaire. Et pourquoi pas, donner envie. Créer l'envie.

Nous espérons que ces quelques lignes pourront vous apporter un nouvel éclairage sur leur travail qui mérite d'être mis en avant.
C'est ce que nous efforçons de faire en tous cas
Bonne lecture !

L'équipe de Galleryastro

Ce mois-ci nous vous donnons rendez-vous avec
Alain Paillou

Voir son travail

Lune gibbeuse
rencontre avec son auteur

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1- Raconte-nous la genèse de cette photo, ses conditions de prises de vue

Cette photo vient de loin, de très loin. Sa genèse remonte à 2010 lorsque j’ai repris l’astrophoto après une très longue pose de plus de 20 ans. J’ai ré attaqué l’astro avec les moyens modernes de l’époques dont les caméras CMOS couleurs qui m’ont permis de visualiser de très fines couleurs à la surface de la Lune. Quelques recherches sur internet m’ont permis de réaliser qu’avec quelques traitements simples, il était possible de révéler la couleur des sols lunaires qui provient essentiellement d’oxydes métalliques. J’ai alors voulu obtenir une photo très détaillée de la Lune en couleur. C’était plus facile à dire qu’à faire.

2- Pour cette photo en particulier, quelles difficultés as-tu rencontrées ?

L’amplification des couleurs est à la fois simple et complexe. Les couleurs étant très amplifiées, il est impératif d’avoir une image brute dont la balance des blancs est parfaitement maîtrisée. C’est relativement simple à obtenir sur une seule photo. C’est beaucoup plus complexe à maîtriser sur une mosaïque de plusieurs tuiles. Une fois la balance des blancs maîtrisée, on se rend compte que l’augmentation de la saturation des couleurs détruit malheureusement les détails de la photo. On obtient une bouillie de pixels ce qui n’est franchement pas satisfaisant pour le résultat final. Il faut donc recombiner les couleurs sur l’image originale ce qui implique une parfaite superposition des couches. Et si la couche des couleurs provient d’une capture antérieure, alors tout se complexifie et il faut déformer géométriquement les couches pour qu’elles se superposent parfaitement (notion de géoréférencement). Il m’a fallu pas mal de temps pour maîtriser toutes ces étapes. Il n’y avait pas de tuto à l’époque. Il a fallu tout inventer.

3- En quoi cette photo est représentative de ton travail?

Elle est l’aboutissement du long travail que j’ai entrepris pour obtenir la Lune en couleur parfaite. Elle semble certainement banale mais derrière cette banalité se cachent 8 ans d’essais, de tests, de développement de méthodes, de programmation, de réflexion, d’hypothèses et d’exercices pratiques. La photo n’est pas le résultat de bidouilles sur Photoshop ou autre logiciel équivalent. Les couleurs sont issues des captures brutes et elles n’apparaissent que grâce à des traitements adaptés. Elles ne sont pas inventées et traduisent une réalité physique. C’est tout le sens de mon travail : voir ce qu’on ne peut pas voir.

4- Y a-t-il un message général derrière ton travail ?

Il n’y a pas vraiment de message. Mes photos en couleur de la Lune sont les plus détaillées et les plus précises qui existent. Pour autant, ce travail reste confidentiel et ne rencontre aucun succès. Mon objectif n’était pas vraiment là. Je souhaitais obtenir un résultat et j’ai fait ce qu’il fallait pour. C’était à titre personnel très gratifiant mais les choses ne vont pas plus loin que ça.

5- Plus généralement, quelle est la photo dont tu es le plus fier ?

Je pense que c’est ma première Jupiter prise avec un Nexstar 6 SE et une webcam Toucam. Cette première Jupiter était moche voire horrible mais c’était ma première Jupiter. J’en était très fier.

6- Une photo d'un autre auteur que tu aurais aimé faire ?

L’éclipse de soleil prise par Thierry Legault. Superbe. Thierry est un grand nom de l’astro photographie amateur.

7- Qu'est-ce que la photo astro pour toi ? Que représente-elle ?

En dehors de l’aspect esthétique évident, la photo astro renvoie vers des notions très complexes qui nous dépassent de très loin. Il y a également un rapport à l’espace (je parle de dimensions) qui est réellement vertigineux. Pour moi, l’astro photo est un très bon remède à l’égocentrisme.

8- Quel avenir souhaites-tu ou vois-tu pour la photo astro dans les 10 prochaines années ?

Le niveau de l’astro photographie amateur a considérablement augmenté ces 10 dernières années. Cela est essentiellement du aux progrès considérables du matériel (tubes, montures caméra) et des logiciels de traitement. On atteint aujourd’hui un palier dans le matériel et il faudra attendre une nouvelle rupture technologique pour voir ce sujet progresser. Difficile de se prononcer sur ce que sera l’astro photographie dans 10 ans. J’espère que les prix stratosphériques (franchement ridicules) du matériel vont se calmer et que le côté « geek » des astro photographes sera moins présent. Dans 10 ans, on aura peut-être de l’optique adaptative abordable et efficace. Ou pas.

9- Ta prochaine cible ?

En 2023, je ressors le C9,25 qui dort dans son carton depuis plus de 2 ans. Je retourne sur la Lune, Jupiter, Saturne, Mars et les objets lumineux du ciel profond. Je ferai un peu de photo mais je vais surtout continuer mon travail sur des vidéos du ciel (champs larges et étroits) qui m’occupe pas mal de puis 3 ans (et pour lequel je me suis remis à la programmation).

10- Enfin, quand tu ne fais pas de photo, à quoi passes-tu ton temps de loisir ?

Randonnées et balades quand je peux sinon boulot, corvées, entretien, paperasse, etc. La vie de monsieur lambda qui fait la plupart du temps ce qu’il doit faire et parfois ce qu’il veut faire.

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