10 questions à Florian Legrand (archive)

10 questions posées à nos auteurs pour mieux apprécier leur travail

Suis Sommes Nous Une Ga

Bienvenue dans cette nouvelle rubrique "10 questions à..." 

A l'occasion de la rentrée 2022, l'Association Française d'astronomie a souhaité créer un lien encore plus fort avec la communauté des astrophotographes. Dans cette optique, nous vous invitons tous les mois à un décryptage d'une photo caractéristique du travail de l'un de nos auteurs suivi d'une rencontre avec ce dernier pour découvrir ou redécouvrir son travail.
Ceci afin de valoriser le travail des astrophotographes et d'offrir à leurs visiteurs un nouveau regard sur la photo et l'ouvrir ainsi au plus grand nombre. Un regard sur la photo plus orienté artistique et personnel que technique. A l'image de ce que nous faisons sur le terrain avec nos animations ou formations, en remettant ainsi l'astronomie et la découverte du ciel au centre de notre pratique d'éducation populaire. Et pourquoi pas, donner envie. Créer l'envie. 
Nous espérons que ces quelques lignes pourront vous apporter un nouvel éclairage sur leur travail qui mérite d'être mis en avant.
C'est ce que nous efforçons de faire en tous cas
Bonne lecture !

L'équipe de Galleryastro

Ce mois-ci nous vous donnons rendez-vous avec
Florian LEGRAND

Portrait Fl Mq

Karikaté by night
rencontre avec son auteur

DA_LEGRAND_Karikate_by_Night

1- Raconte-nous la genèse de cette photo, ses conditions de prises de vue

La photo « Karikaté » a été prise en 2019 lors d’un voyage en Nouvelle-Calédonie. C’était la première fois que je photographiais le ciel dans l’hémisphère Sud, et j’étais notamment très impatient de pouvoir observer des portions de Voie Lactée que l’on ne voit jamais sous nos latitudes. Cette photo a un sens particulier pour moi car, ma compagne étant originaire de Nouvelle-Calédonie, c’était la première fois que je découvrais le pays en sa compagnie. J’ai immédiatement été très impressionné par la qualité du ciel (Bortle 2), mais également été un peu surpris par le fait que je shootais en tee-shirt, par plus de 28°C de nuit. Assez perturbant (dans le bon sens) quand on est habitué à capturer le ciel à 2000m dans les Alpes !

2- Pour cette photo en particulier, quelles difficultés as-tu rencontrées ?

La première et principale difficulté que j’ai rencontrée était probablement mon inexpérience. Je ne pratiquais pas l’astrophotographie depuis très longtemps et les panoramiques demandent une certaine technique et une discipline pour être bien assemblés par la suite. J’ai un peu bricolé lors de la capture et c’est quelque chose que j’ai payé par la suite à l’édition car j’ai dû rattraper pas mal de points entre les différentes tuiles qui ne s’assemblaient pas bien automatiquement. En revanche, niveau conditions, ça n’aurait pas pu être mieux : air sec, peu de vent, presque pas de nuages à part les petits visibles à gauche et aucune compagnie sur la plage, si ce n’est quelques cochons sauvages dans les buissons derrière moi. Une soirée comme on aimerait en avoir plus.

3- En quoi cette photo est représentative de ton travail?

Cette photo représente bien mon approche de l’astrophotographie, notamment le côté simple que j’aime garder. J’aime rester sur des images très naturelles, sans couleurs ultra-saturées ou rapport de grossissement qui font paraître les objets célestes beaucoup plus importants qu’ils ne le sont réellement. De plus, je ne suis pas un grand féru de technique, donc je ne m’embarrasse pas de méthodes ultra-complexes pour obtenir mes résultats. J’aime pratiquer une astrophotographie que je pense facilement accessible à tous avec un peu de pratique, sans avoir besoin de sortir la calculette ou de passer des dizaines d’heures à regarder des tutoriels. Un trépied, un grand angle, un beau ciel et j’aime tout ce qu’il me faut.  

4- Y a-t-il un message général derrière ton travail ?

J’aime à croire que mes images évoquent une certaines simplicité et une reconnexion à la nature. Qu’il s’agisse d’astrophotographie ou d’autres domaines (Je suis photographe professionnel spécialisé en outdoor), j’essaie de mettre en avant le milieu naturel, qu’il soit terrestre ou céleste afin de donner envie aux gens d’aller profiter d’un moment seul en pleine nature, une sorte d’échappée dans nos vies quotidiennes qui ne le nous permettent pas toujours. En cela, cette photo représente bien mon état d’esprit, car j’ai encore aujourd’hui l’impression de sentir l’air marin et le sable entre mes orteils alors que j’étais en train de photographier cette arche.

5- Plus généralement, quelle est la photo dont tu es le plus fier ?

Je ne saurais pas vraiment répondre à cette question. J’adore certaines de mes images, autant en astrophotographie qu’en animalier ou sportif par exemple, mais même en croisant tous les domaines, j’aurais beaucoup de mal à sélectionner une seule photo. Je pense que je peux en revanche choisir un instant photographique préféré et ce serait fin 2022 quand je suis revenu sur cette même plage avec mon appareil. Les conditions n’étaient pas aussi bonnes, mais le moment était pur, presque magique, quelque chose qu’il est compliqué de décrire par écrit.

6- Une photo d'un autre auteur que tu aurais aimé faire ?

Tout comme la question précédente, j’aurais du mal à répondre à cette question. Mais je peux citer un photographe dont j’admire particulièrement le travail et qui est Bastien Foucher. Sans Bastien, je n’aurais jamais débuté l’astrophotographie. C’est en voyant son travail que j’ai eu envie de m’y mettre, ce sont ses tutos qui m’ont aidé à réaliser mes premières images et corriger mes principales erreurs. C’est de plus quelqu’un de très gentil, qui n’a pas hésité à me conseiller avec bienveillance dans mes débuts et je lui suis très reconnaissant pour cela. J’ai plus tard découvert le travail de Sabine Gloaguen qui est également d’une grande qualité et sensibilité. Je pense qu’à ce jour, ce sont mes deux astrophotographes préférés.

7- Qu'est-ce que la photo astro pour toi ? Que représente-elle ?

J’adore le côté aventure que la photo astro amène dans ma vie. Je ne réalise pas des images très techniques mais j’aime en revanche aller les chercher loin, marcher pendant des heures la nuit, presque toujours seul et profiter de cet instant unique qui n’appartient qu’à moi. On entend des bruits que l’on n’identifie pas toujours, on sent qu’on entre dans un domaine qui n’est pas vraiment le nôtre et on a souvent la chance de rencontrer des animaux qu’on ne verrait pas forcément en plein jour. Il m’est par exemple arrivée de croiser un loup, un lynx ou encore des chouettes à plusieurs reprises. J’ai un rapport presque spirituel à la nature et l’astrophotographie me permet d’y évoluer à des heures où je me sens vraiment en connexion avec le milieu.

8- Quel avenir souhaites-tu ou vois-tu pour la photo astro dans les 10 prochaines années ?

J’espère qu’elle ne souffrira pas trop de l’arrivée des IA et que la tendance au composite va progressivement s’apaiser. Si certains (comme Maxime Oudoux par exemple) appliquent une éthique stricte à cette pratique en respectant les proportions, lieux ou moments et obtiennent ainsi des images magnifiques et réelles, beaucoup tendent à réaliser des montages grossiers. Je me souviens encore de National Geographic qui avait publié le travail d’une photographe qui présentait deux bulbes galactiques sur la Voie Lactée ou d’une image du Pic du Midi l’année dernière qui présentait la Voie Lactée telle qu’observée depuis l’hémisphère Sud. J’espère qu’une certaine éthique va perdurer et permettre de ne pas seulement voir des « photos waouh » dépourvues d’âme passer en deux secondes sur Instagram.

 9- Ta prochaine cible ?

J’aimerais réaliser une session astro sur un glacier, une langue glaciaire par exemple. Je pense que ce pourrait être une belle manière d’orienter le regard sur les menaces pesant sur les glaciers alpins par le biais d’une image qui attire l’œil avant d’inviter à la réflexion. L’astrophotographie peut servir la cause environnementale et c’est probablement dans ce sens que je vais orienter mes photos astro dans les prochaines années. Je ne vais pas révolutionner le monde, mais j’espère pouvoir faire ma part, si une seule personne peut s’intéresser à ce sujet grâce à moi, ce sera déjà une victoire.

10- Enfin, quand tu ne fais pas de photo, à quoi passes-tu ton temps de loisir ?  

Je suis un grand fan de sports outdoor. Je pratique notamment beaucoup le VTT, la randonnée et également le kayak et la plongée dans le lac Léman, près de chez moi. Je passe l’essentiel de mon temps en extérieur dans la nature, ça fait partie de mon quotidien et me permet de trouver un équilibre entre ma vie professionnelle parfois très dense en saison, ma vie de couple et ma vie sociale.